Les enjeux environnementaux

Des lieux remarquables, ça devient rare. Ce Val de Vesdre, visé par l’implantation de la liaison CHB en est justement un. Y sont recensés 8 sites particulièrement importants dont 2 de très grand intérêt biologique et 5 de grand intérêt biologique. Il s’agit d’ailleurs d’un pan important du patrimoine environnemental non seulement wallon, mais aussi belge et européen.

 

Pensée calaminaire

Pensée calaminaire 2

Parmi les espèces les plus significatives que l’on peut rencontrer dans ces milieux, citons tout d’abord la flore calaminaire : le tabouret calaminaire (Thlaspi caerulescens subsp. Calaminare), la pensée calaminaire (Viola calaminaria) et le silène enflé (Silene vulgaris var. Humilis). Il s’agit d’espèces métallophytes à savoir des plantes qui n’existent que sur des sols riches en métaux lourds, en particulier le zinc. L’existence de ces sites calaminaires est due aux retombées atmosphériques de poussières riches en métaux lourds liées aux activités industrielles naguère localisées à Prayon.

L’Europe occidentale n’a guère de pelouses calaminaires qu’en Allemagne, en France et en Belgique. Les pelouses belges sont concentrées pour l’essentiel en province de Liège, à La Calamine, à Chaudfontaine et à Trooz. Les zones belges de pelouses calaminaires couvrent une superficie totale de 85 ha du patrimoine environnemental Européen. Il y a véritablement peu de sites de cette nature, leur protection est donc indispensable vu l’impossibilité de trouver de nouvelles surfaces.

Pelouses calaminaires, Prayon 2

Pelouses calaminaires, Prayon (Photo F. Leboutte) 2

Ces sites sont également d’un intérêt majeur pour l’entomofaune, notamment les lépidoptères rhopalocères et les orthipètes. Notons qu’avec plus de 1000 individus, le site calaminaire de Prayon abrite la plus importante population qui nous est connue en Wallonie d’une espèce menacée de lépidoptère, le petit nacré (Issoria lathonia).

Photo F. Degrave- Petit nacré

Photo F. Degrave- Petit nacré

Citons encore la présence du cuivre fuligineux (Lycaenea tityrus), espèce vulnérable. Le criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens), protégé en Région wallonne, est présent lui aussi. Le grillon des champs (Gryllus campestris), considéré comme espèce rare à très rare en Belgique, est notamment présent sur les sites du « Trixhe des Vignes », du « Trî Mottet » et de « La Rochette ».

Sur ces même sites, plusieurs espèces d’orchidées sont aussi présentes (Orchis militaris, Ophrys apifera, Anacamptis pyramidalis, Epipactis helleborine, Neottia nidus-avis).

Photo F Leboutte

Photo F. Leboutte 2

En ce qui concerne l’avifaune, deux espèces reprises dans l’annexe 1 de la Directive 79/409 concernant la conservation des oiseaux sauvages peuvent y être observées : il s’agit de la bondrée apivore (Pernis apivorus) et l’alouette lulu ( Lullula arborea) qui niche dans les pelouses sèches du site de La Rochette et du Bois-les-Dames. Signalons aussi que le périmètre du site de La Rochette comporte des grottes (grotte du chat, grotte de la larme, diaclase des fils) qui, d’après nos informations, sont surtout tectoniques et peu marquées par la karstification, ce qui est exceptionnel dans le bassin de la Vesdre et même en Wallonie.

CHB n’est pas qu’une liaison routière de trop, elle tente à s’imposer dans un environnement exceptionnel de sites reconnus au niveau Européen. «   Natura 2000 »  1, le réseau écologique européen des sites protégés, a été créé en 1992 par l’Union Européenne pour sauvegarder ce qu’il nous reste de patrimoine environnemental. Des zones de protections spéciales sont ainsi délivrées à plusieurs sites remarquables par leur biologie. Or, la liaison CHB s’approprie sans scrupules rien de moins que ces lieux. Les zones proposées par les scientifiques à l’inscription Natura 2000 ont été réduites pour pouvoir satisfaire les « besoins égocentriques » du gouvernement Wallon. Vous observerez aisément la zone de réservation prévue sur les cartes ci-dessous lors de la mise en place du plan « natura 2000 » et les zones sélectionnées par le gouvernement Wallon.

Zones proposées par les scientifiques pour d'inscription à "Natura 2000".

Zones proposées par les scientifiques pour d’inscription à « Natura 2000 »

Zones retenues par le Gouvernement wallon à l'inscription "Natura 2000" et proposées à la commission Europenne.

Zones retenues par le Gouvernement wallon à l’inscription « Natura 2000 » et proposées à la commission Européenne.

Actuellement, et après de nombreux procès du groupement CHB 2 envers le Gouvernement wallon, quelques zones supplémentaires ont réinsérées dans le réseau « Natura 2000 ». Malheureusement, toutes restent coupées par la zone de réservation prévue par le gouvernement wallon pour la liaison CHB.

4 zones "Natura 2000" , année 2015

4 zones « Natura 2000 » , année 2015

Il est difficile d’omettre l’importance de ces sites remarquables. En nous opposant à ce projet préhistorique, nous espérons pouvoir sauver de la dévastation quelque dix neuf hectares de forêts de grand intérêt biologique, plus de 7 hectares de pelouses de grand intérêt écologique et plus de 50 hectares d’autres milieux présentant également un intérêt biologique souligné par les experts.


1 Natura 2000 en bref:

Adopté le 21 mai 1992, la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, est mieux connue sous le nom de directive « Habitats ». Cette directive en complétait une autre de 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages (19/09/CEE), surnommée la directive « Oiseaux ».

Ces deux textes forment le socle législatif de la politique européenne de protection des espèces et des milieux naturels rares et menacés. L’objectif est de créer- en concertation avec les autorités des États membres de l’Union européenne – un réseau écologique européen (dénommé « Natura 2000 ») de sites protégés d’intérêts communautaire (« zones spéciales de conservation » : ZSC) intégrant les « zones de protection spéciales » (ZPS) déjà crées dans le cadre de la directive « Oiseaux ».

Les instances européennes veulent ainsi inscrire de gré ou de force les préoccupations environnementales dans les réflexions des décideurs nationaux et régionaux. Pour Ritt Bjerregaard, commissaire européen entre 1995 et 1999, « la conservation de la nature fait partie de l’aménagement du territoire. Elle peut être compatible avec de nombreuses activités économiques, voire stimuler la création d’emplois ».

Autrement dit, « le réseau « Natura 2000 » n’a donc pas vocation, à créer des sanctuaires de nature où toute activité humaine serait systématiquement proscrite (…). Toutefois, les activités humaines doivent demeurer compatibles avec les objectifs de conservation des sites désignés. Aussi, lors de l’élaboration des mesures de gestion, les États membres doivent-ils évaluer chaque activité s’exerçant sur le site afin d’éviter toute détérioration des habitats ou menace pour les espèces pour lesquels le site a été désigné ».

La procédure arrêtée dans la directive « Habitats » prévoit trois grandes étapes :

(1) Phase préalable : préparation des listes nationales de sites et d’espèces à protéger, déterminer pour chaque État membre à la suite d’une évaluation scientifique précise réalisée à l’échelle nationale de chaque habitat ou espèce d’intérêt communautaire. La liste nationale ainsi réalisée est transmise à la commission européenne ;

(2) Phase de concertation : identification des sites d’importance communautaire, qui s’intégreront dans le réseau « Natura 2000 » . La sélection est conjointement réalisée par la Commission européenne et les États membres ;

(3) Phase d’aboutissement : les États membres sont tenus d’ériger en ZSX tout site reconnu comme Site d’importance communautaire (SIC) au terme de la procédure. Et ce, dans un délais de six ans, au cours duquel les États devront mettre en place les mesures nécessaires de protection et de gestion sur ces sites.

P. Van Damme, Groupement Cerexhe-Heuseux/Beaufays, extrait du Bulletin d’information aux membres n°3, mars 2004

2 Photos prises sur le site de la liaison par C. Lamarche et F. Leboutte

3 Voir « nos documents »

4 http://geoportail.wallonie.be